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rochers ; son lit est marqué par la végétation. A présent l'eau, ressort, à 200 yards plus bas, de masses de
rochers, et, à très peu de distance, forme une rivière considérable détournée immédiatement par les moulins et
les irrigations. Sur le haut d'un roc, auprès du village, mais au-dessous de la montagne, il y a une ruine
appelée par le peuple le château de Pétrarque, qui, nous dit-on, était habité par M. Pétrarque et madame
Laure.
Ce tableau est sublime ; mais ce qui le rend vraiment intéressant pour notre coeur, c'est la célébrité qu'il doit
au génie. La puissance qu'ont les rochers, les eaux et les montagnes de captiver notre attention et de bannir de
notre sein les insipides préoccupations de la vie ordinaire, ne tient pas à la nature inanimée elle-même. Pour
donner de l'énergie à de telles sensations, il faut la vie prêtée par la main créatrice d'une forte imagination :
décrite par le poète ou illustrée par le séjour, les actions, les recherches ou les passions des grands génies, la
nature vit personnifiée par le talent, et attire l'intérêt qu'inspirent les lieux que la renommée a consacrés.
Orgon. Quité le territoire du pape en traversant la Durance J'ai visité l'essai de navigation de Boisgelin,
ouvrage entrepris par l'archevêque d'Aix. C'est un noble projet parfaitement exécuté là où il est fini ; pour le
faire, on a percé une montagne sur une longueur d'un quart de mille, effort comparable à ce qu'on n'a jamais
tenté dans ce genre. Voilà cependant bien des années qu'on n'y travaille plus, faute d'argent. Le vent de
bise a passé ; il souffle sud-ouest maintenant, et la chaleur est devenue grande ; ma santé s'en est remise à un
point qui prouve combien ce vent m'est contraire, même au mois d'août. 20 milles.
Le 30. J'avais oublié de remarquer que, depuis quelques jours, j'ai été ennuyé par la foule de paysans qui
chassent. On dirait qu'il n'y a pas un fusil rouillé en Provence qui ne soit à l'oeuvre, détruisant toute espèce
d'oiseaux. Les bourres ont sifflé cinq ou six fois à mes oreilles, ou sont tombées dans ma voiture.
L'Assemblée nationale a déclaré chacun libre de chasser le gibier sur ses terres, et en publiant cette
déclaration absurde telle qu'elle est, bien que sage en principe, parce qu'aucun règlement n'assure ce droit à
qui il appartient, a rempli, me dit-on partout, la France entière d'une nuée de chasseurs insupportables. Les
mêmes effets ont suivi les déclarations relatives aux dîmes, taxes, droits féodaux, etc., etc. On parle bien dans
ces déclarations de compensations et d'indemnités, mais une populace ingouvernable saisit les bienfaits de
l'abolition en se riant des obligations qu'elle impose. Parti au lever du jour pour Salon, afin de voir la Crau,
une des parties les plus curieuses de la France par son sol, ou plutôt à cause de son manque de sol, car elle est
couverte de pierres fort semblables à des galets : elle nourrit cependant de nombreux moutons. Visité les
améliorations que M. Pasquali tente sur ses terres ; il entreprend de grandes choses, mais à la grosse : j'aurais
voulu le voir et m'entretenir avec lui, malheureusement il n'était pas à Salon. Passé la nuit à Saint-Canat.
40 milles.
Le 31. Aix. Beaucoup de maisons manquent de vitres aux fenêtres. Les femmes portent des chapeaux
d'homme, mais pas de sabots. Rendu visite à Aix à M. Gibelin, que les traductions des ouvrages du docteur
Priestley et des Philosophical transactions ont rendu célèbre. Il me reçut avec cette politesse simple et
avenante naturelle à son caractère ; il paraît être très affable. Il fit tout en son pouvoir pour me procurer les
renseignements dont j'avais besoin, et il m'engagea à l'accompagner le lendemain à la Tour d'Aigues, pour
voir le baron de ce nom, président du parlement d'Aix, pour lequel j'avais aussi des lettres. Ses essais dans les
Trimestres de la Société d'agriculture de Paris prennent rang parmi les écrits les plus remarquables sur
l'économie rurale que cette publication contienne.
Le 1er septembre. Tour d'Aigues est à 20 milles nord d'Aix, de l'autre côté de la Durance, que nous
passâmes dans un bac. Le pays, auprès du château, est accidenté et pittoresque et devient montagneux à 5 ou
6 milles de là. Le président me reçut d'une façon très amicale ; la simplicité de ses manières lui donne une
JOURNAL 113
Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789
dignité pleine de naturel : il est très amateur d'agriculture et de plantations. L'après-midi se passa à visiter sa
ferme et ses beaux bois, qui font exception dans cette province si nue. Le château, avant qu'il eût été incendié
par accident en grande partie, doit avoir été un des plus considérables de France ; mais il n'offre plus à
présent qu'un triste spectacle. Le baron a beaucoup souffert de la révolution ; une grande étendue de terres,
appartenant autrefois absolument à ses ancêtres, avait été donnée à cens ou pour de semblables redevances
féodales, de sorte qu'il n'y a pas de comparaison entre les terres ainsi concédées et celles demeurées
immédiates dans la famille. La perte des droits honorifiques est bien plus considérable qu'elle ne paraît, c'est
la ruine totale des anciennes influences. Il était naturel d'en espérer quelque compensation aisée à établir,
mais la déclaration de l'Assemblée nationale n'en alloue aucune, et l'on ne sait que trop dans ce château que
les redevances matérielles que l'Assemblée avait déclarées rachetables se réduisent à rien, sans l'ombre d'une
indemnité. Le peuple est en armes et très agité dans ce moment. La situation de la noblesse dans ce pays est
terrible : elle craint qu'on ne lui laisse rien que les chaumières épargnées par l'incendie, que les métayers
s'emparent des fermes sans s'acquitter de la moitié du produit, et qu'en cas de refus, il n'y ait plus ni lois ni
autorité pour les contraindre. Il y a cependant ici une nombreuse et charmante société, d'une gaieté
miraculeuse quand on songe aux temps, à ce que perd un si grand seigneur, qui a reçu de ces ancêtres tant de
biens, dévorés maintenant par la révolution. Ce château superbe, même dans sa ruine, ces bois antiques, ce
parc, tous ces signes extérieurs d'une noble origine et d'une position élevée, sont, avec la fortune et même la
vie de leurs maîtres, à la merci d'une populace armée. Quel spectacle ! Le baron a une belle bibliothèque bien
remplie, une partie est entièrement consacrée aux livres et aux brochures publiés sur l'agriculture dans toutes
les langues de l'Europe. Sa collection est presque aussi nombreuse que la mienne. 20 milles.
Le 2. M. le président avait destiné cette journée à une visite à sa ferme dans les montagnes, à 5 milles
environ, où il possède une vaste étendue de terrain et l'un des plus beaux lacs de la France, mesurant 2,000
toises de circonférence et 40 pieds de profondeur. Sur ses bords se dresse une montagne composée de
coquilles agglomérées de façon à former une roche, malheureusement elle n'est pas plantée, les arbres sont
l'accompagnement forcé de l'eau. La carpe atteint 25 livres et les anguilles 12 livres. Dans le lac du Bourget,
en Savoie, on pèche des carpes de 60 livres. Un voisin, M. Jouvent, très au courant de l'agriculture du pays,
nous accompagna et passa le reste du jour au château. J'obtins de précieux renseignements de M. le baron, de
ce monsieur et de M. l'abbé ***, j'ai oublié son nom. Le soir je parlai ménage avec une des dames, et j'appris
entre autres choses que les gages d'un jardinier sont de 300 livres ( 13 l. st. 2/6 d. ), de 150 livres ( 7 l. st. )
pour un domestique ordinaire, de 75 à 90 livres ( 3 l. st. 18/9 d. ) pour une cuisinière bourgeoise, de 60 à 70
livres ( 3 l. st. 1/3 d. ) pour une bonne. Une belle maison bourgeoise se loue de 7 à 800 livres ( 35 l. st. ).
10 milles.
Le 3. Pris congé de l'hospitalier baron de la Tour d'Aigues et retourné à Aix avec M. Gibelin. 20
milles.
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